Fin du monde ou fin d’un monde ?
On se disait souvent, à chaque violence ou crime policier, trop souvent impuni : on y est, c’est la dictature, la démocratie, aussi formelle qu’elle soit, c’est fini. Et c’était vrai et pas vrai en même temps. Les pouvoirs, droite et gôche, à coup de lois sécuritaires et racistes avançaient leurs pions, mais les vestiges constitutionnels démocratiques affaiblis, rongés, brinquebalants, formels tenaient encore le système. Et, puis les horribles attentats du 13 novembre ont brutalement déchiré le voile qui cachait les mécanismes réels de ce monstre froid qu’est l’État.
Aujourd’hui c’est la même chose qu’avant le 13 novembre et plus la même chose. Comment ? C’est comme un bloc de glace et de l’eau du robinet. Les deux sont de l’eau, pourtant on ne peut pas se noyer dans un bloc de glace ; en revanche dans la flaque d’eau qu’il crée en fondant, si. En physique ça s’appelle un changement d’état. La dictature démocratique des possédants s’est muée en une dictature policière. Elle n’a pas changé de nature, mais d’état. Des doutes ? Qui aurait pu croire il y a encore un mois que la France dénoncerait la Convention européenne des droits de l’homme, sauvegarde formelle de l’État de droit certes, mais ici tout n’est-il pas dans le symbole ? Qui aurait pu penser que les manifestations de soutien aux migrants ou de défense de la cause écologiste seraient interdites sous prétexte de « sécurité » ? Qu’un échantillon de militants, arbitrairement choisis, seraient menacés de 6 mois de prison et 7500 euros d’amende ? Qu’il y aurait plus de 300 GAV suite à une manifestation ou 2000 perquisitions, 300 assignations à résidence en moins de 15 jours, le plus souvent sans aucun rapport avec le terrorisme, comme chez des producteurs de carotte bio de Dordogne ou dans des restos hallal des cités ? Que cette vague répressive arriverait sans aucun contrôle de la justice, aussi illusoire qu’il soit ? Que les flics se promèneraient désormais 24 heures sur 24 avec leurs flingues, porte ouverte à toutes les « bavures » imaginables ? De plus, malgré ce que certains pensent, l’état d’urgence n’est une défense contre personne. Et tout ça alors que les marchés de Noël fleurissent gaiement.Le capitalisme sort ses dents avariées, venez ici, vous avez le droit « librement » de cracher votre fric, mais en silence et dans le rang. Bon, arrêtons de chialer. Ce n’est pas le moment.
Jusqu’ici, la police et la justice frappaient d’une manière relativement sélective. Si vous étiez désigné comme arabe, noir, Rrom ou musulman, vous étiez prioritairement dans le collimateur. Désormais la répression sociale s’ajoute, sans se cacher, à la répression raciale. La dictature policière, rodée par la période d’avant 13 novembre et post-7 janvier, a enclenché la première vitesse (les autres suivront) du rouleau compresseur pour écraser tout ce qui dépasse.
Le coup est dur à avaler, c’est la fin d’un monde, d’accord, mais pas la fin du monde. Il y a de l’espoir. Deux camps sont clairement définis : ceux qui sont pour et profitent de l’état d’urgence devenu permanent (les djihadistes de Daech et consorts en font partie) et ceux qui sont contre et en pâtissent. Les résistances commencent à se lever, les faux culs commencent à être démasqués, notre camp commence à se former et à résister. Il y a un après, au monde d’avant le 13 novembre. Comment sera-t-il au final ? Notre résistance jouera un rôle dans la définition des contours.
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> Fin du monde ou fin d’un monde ?
> [ Chronique d’un « état d’urgence » ]
les habitants des quartiers populaires,
les sans-papiers,
les militants…
Lois et Constitution à la sauce Hollande
Islamophobie en réaction aux attentats
> [ Chronique de l’arbitraire ]
Violences policières du quotidien
3 mois ferme pour Lucille
Non-lieu pour Amadou Koumé
> [ Agir ]
Abdoulaye Camara, on n’oublie pas !